OUESTIME

Bonobo - Black Sands Remixed

 


Bonobo – Black Sands Remixed (Ninja Tune)

Genre : Electronique, Electronica

Il est toujours délicat d’écouter un album remix. D’abord, tu dois bien avoir tourné et retourné l’original dans tous le sens, en avoir compris la signification, et saisi la teneur. C’est aussi un exercice assez périlleux, à plusieurs points de vue. Celui, tout d’abord, de ne pas aimer la moitié des producteurs qui font les remixs. Ou encore que plus rien ne soit cohérent, à un point tel que l’album original sera complètement dénaturé. Sans oublier la troisième et dernière raison selon moi : les trois quart des LP remixés sont simplement nuls.

Bon, il est vrai qu’on a eu quelques contre-exemples il n’y a pas si longtemps (remember, 2010, 2011, la belle époque…) avec le 
Radiohead - TKOL RMX 1234567, sympathique surprise, ou encore Jamie XX aux manettes du définitivement dernier Gil Scott-Heron. Autant dire que cette version liftée du « Black Sands » du grand Bonobo m’a d’abord fait peur, puis frissonner, puis re-peur, et ainsi de suite. Jusqu’au moment où le mec mate le tracklisting et vois quelques noms familiers, et forts sympathiques, sur la liste des invités. J’aurai pensé à bien des producteurs surdoués pour pondre des remixs, mais probablement pas à cette liste assez épatante, triée selon mon ordre de préférence : Floating Points, FaltyDL, Mike Slott, Machinedrum, Cosmin TRG, Mark Pritchard, ARP 101, Lapalux, Blue Daisy et Duke Dumont. Soyons honnêtes, je ne les connais pas tous.

C’est donc curieux et assez emballé qu’on enfourne l’album dans le lecteur, et qu’on débute avec un sentiment qui va s’avérer on ne peut plus vrai : le disque est forgé dans un métal électronica-ambiant d’un bout à l’autre, sous la même bannière. Ce n’est pas pour me déplaire, surtout quand, dès le « Prelude », Lapalux joue tranquillement avec une mélodie bien arrangée et s’amuse à te glisser des effets « goutte d’eau » dans les oreilles. Rien d’affolant pour le moment, les empires ne se fondent pas en une musique.

Banks s’installe dans son fauteuil. Nuages. Bougies. Apesanteur. Neil Armstrong. Lune et oreiller. Comme une flûte, puis une guitare, une boucle de guitare, et la guest star en chef en la personne d’Andreya Triana qui se pointe, avec sa voix enlevée qui tire jusqu’au ciel avant ce rythme… tribal. Tribal-balnéaire en fait. Des tambours dans ton bain. Banks s’amuse, sourit, te raconte une histoire d’électronique qui débarque comme une enveloppe évidente, un poison mélodique attendrissant et magnifique, qui cesse pour laisser place à la voix. Banks n’en a pas fini avec ta gueule : massacre total, grands coups électro, montée de cette mélodie superbe. Putain, ce disque commence fort bien.

Cosmin TRG prend les manettes, avec la même recette que précédemment : vague de notes de synthé croissante, bubulles électro qui se balade autour de toi, en fond, incessant, sur ce rythme saccadé, mélange de couleurs électroniques. C’est plus étendu, plus carré. Carrément plus techno parfois. Un peu à l’image de ce que nous pond Machinedrum sur « Eyesdown », qui entre directement dans le vif de son sujet. Le mec tabasse, maîtrise l’exercice avec une rythmique très vivante et énergique tout au long du morceau, épaulée par la voix d’Andreya parfaitement bricolée.

J’ai sauté sur le trio « Eyesdown ». Qui s’y colle ? On a l’originale d’abord, puis le remix de ARP 101. Total inconnu, le mec t’insuffle un vent UK sur grosses basses maladives dès l’entrée en piste. Ça part dans tous les sens, et plus on avance dans ce disque plus on se dit que les mecs se sont passés le mot pour rendre le tout cohérent. Ça se ressemble un peu tout ça, alors on compte sur notre ami Floating Points pour foutre un grand coup de latte dans la fourmilière de talents.

Mais non. Il n’est pas si étonnant que ça le monsieur, et reste sur campé sur ses positions habituelles : jolie montée électro-nappée, très caractéristiques du genre, sur ce remix qui traine tout en longueur - ce qui n’est pour me déplaire hein. On se prend au jeu quand même. Le son t’enlace de sa couleur chaudement analogique, plus proche d’une house toute millimétrée. C’est beau. Et finalement, c’est FaltyDL qui vient foutre le bronx. En fait, je m’attendais à un gros dubstep un peu enragé de la part du monsieur, quand finalement il décide de se la jouer électronica-tiède, très épurée pour finalement laisser poindre un rythme typiquement UK là aussi, avant de doucement tabasser le sample de voix qui s’en va et revient incessamment au cours de cette jolie envolée musicale. Clochette dans une église, ça claque de partout, jusqu’à ce sample qu’on jurerait sorti d’un Burial en bonne forme. Falty DL joue avec tes oreilles, fait mine de s’arrêter, plusieurs fois, repart de plus belle, arrête le beat, laisse couler quelques notes, puis s’endort en silence… A écouter 200 fois.

On se remet doucement de la baffe avant d’écouter le remix de « Stay the Same » signé Mark Pritchard, qui débute drôlement doucement, avec Andreya Triana qui se pointe à nouveau. Rien de très attrayant, c’est assez mou mais le producteur se rattrape de très belle manière à la fin du morceau avec ce saxo qui perce, seul, sur un lent rythme sec et jazzy. Restent Mike Slott, Duke Dumont et Blue Daisy, qui s’échinent à rendre cet album remix très cohérent : électronica-électronique.

C’est tout ? Eh non. Reste deux pistes exclusives : « Ghost Ship » et « Brace Brace » (ci-dessous), concoctées par Bonobo lui-même. Le mec ne s’est donc pas contenté de regarder ses potes remixer son album, et a pondu ces pistes (dont l’une était sur la version japonaise du Black Sands original je crois). Bref, des petits bijoux, comme d’hab. Toutes ces lignes pour vous dire que voici une des grandes réussites de 2012, si l’on met de côté l’aspect un peu trop cohérent tout au long de la galette.

Neska