Grasscut – 1 inch / ½ Mile (Ninja
Tune)
Genre : Electronique, Electronica, Pop,
Expérimental
En septembre 2009, Grasscut prenait place
dans les colonnes d’Adikt. Une bien jolie découverte à l’époque,
puisque cette savoureuse formation, composée d’Andrew Philips et
Marcus O’Dair, était la nouvelle venue dans l’écurie Ninja
Tune.
Je vous parlais à l’époque d’un maxi, « High
Down », qui annonçait déjà la couleur : une musique
vivante, emplie de berceuses électroniques, expérimentant les
sentiers hâlés du trip-hop, de l’électronica, de la pop et bien
d’autres styles. Nos deux compères manient les consoles studios
avec une rare précision, y mêlant samples, claviers, basses,
batteries, surabondés d’effets numériques en tous genres.
Ce
« 1 inch / ½ Mile » est donc le premier véritable opus du duo. Et
quel disque… Si Grasscut est bien plus « musicalement abordable »
que certains groupes qui ont leur place sur Adikt, il est encore une
fois l’un de ceux que l’on écoute seul, sans bruit. On plonge
dans cet album avec les « High Dow », « Old Machines » et «
Meltwaters », où le groupe tente de nous montrer toute sa maitrise
de la mélodie, des instruments, des machines. C’est étrange, ce
sentiment de démonstration qui, s’il me séduit, me laisse
perplexe.
Mais on comprend vite de quoi il en retourne.
Car j’ai l’impression que la véritable entrée du disque s’ouvre
sur « The Tin Man », une incroyable ode à la candeur, qui nous
traine dans un parc accompagné d’un vieil homme. Avec cette voix,
d’abord, qui semble sortir d’un ancien vinyle retrouvé dans les
caisses empoussiérées d’une brocante indienne. Difficile de
comprendre ce qui arrive : une chaleureuse mélodie vous serre dans
ses bras, quand un rythme assez entêtant augmente l’étreinte au
fil des secondes qui défilent.
La démonstration reprend
du service. Dans un style qui n’a plus rien à voir avec la piste
précédente. L’électronique et les machines prennent le dessus
sur « Muppet ». Des voix se joignent à nous, difficilement
audibles. Même la construction est affolante. De rapides rythmes
numériques, on passe à un univers plus chaleureux, dans de grandes
nappes électroniques. Et enfin, ce rythme de batterie qui fera rêver
n’importe quel batteur, appuyé, aidé, porté par une mélodie qui
mute, se décompose, s’étire à l’infinie. Et finalement, la
musique continue avec des cœurs qui fondent. Avant de s’éteindre
lentement.
Cette petite voix intrigante (symptomatique,
tirée de l’héritage de compositeur télé et cinéma d’Andrew
Philips) revient sur la magistrale « 1946 », qui nous évoque les
souvenirs du rationnement de l’époque. On traine pendant de
longues minutes dans une atmosphère étrange, avant d’entendre
pointer des violons. Mais une fois encore, Grasscut nous trompe, et
repart sur un rythme beaucoup plus soutenu sur « The door in the
wall », considérablement plus pop dans l’âme.
«
Passing » est beaucoup plus fragmentée, teintée hip-hop, et
saturée par des envolés numériques puissantes mais très brèves.
Grasscut manie l’art de nous faire miroiter un air, puis de nous
l’enlever, nous le voler pour enchainer sur quelque chose de très
différent. Le tout, d’une seconde à l’autre. Et ce titre en est
une démonstration parfaite. Finalement, l’album abat sa dernière
carte sur « In her pride », qui s’ouvre sur une voix énigmatique,
puis des violons qui pleurent. Une lente montée en puissance, qui
n’atteindra jamais son but, mais qui finit par s’endormir en
papillonnant pour mieux refermer ce très réussi « 1 inch / ½ Mile
».
Neska