Genre:
Electro, Hip-hop
Depth Affect, c’est des gentils
garçons. D’abord, les mecs balancent régulièrement des albums ou
des EP. Toi, petit auditeur, tu ne meurs pas de soif. Les bretons
t’abreuvent gentiment, à doses régulières mais inégales en
quantités. A peine remis d’un « Matter
of Tempo »
gracieusement et gratuitement balancé sur le Web, on se délecte
d’un nouveau projet intitulé « Draft Battle ». Je vais commencer
par un hommage mérité sur les noms toujours originaux et efficaces
des sorties du groupe : Arche Lymb, Hero Crisis, Chorea… Je ne sais
pas pourquoi, mais j’adore ces titres, tout autant que les
différentes pochettes de disques d’ailleurs (surtout Hero Crisis
et Arche Lymb).
C’est donc avec un joli nom qu’on
ouvre cet album, un peu comme on avait quitté Hero Crisis, sur « A
Million Buzzing Locust » : quelques notes de synthés, des claps
bien présents, une rythmique assez lourde et une musique qui
s’emballe au fil des secondes. Je suis déjà dans l’ambiance
j’appuie-sur-play-et-j’arrive-à-la-fin-de-l’album-sans-m’en-rendre-compte.
Et puis encore et toujours, cette vieille habitude de reconnaitre
certains artistes, les Tepr, feu-AKA et consorts, qui revient comme
un boomerang en pleine gueule. Mais ce premier titre reste légèrement
en suspens, comme une longue introduction avant de reprendre de plus
belle à une minute de la fin. La suite s’annonce
torride.
Effectivement, on sue à grosses gouttes. «
Unsult » est tout de suite plus posée, la musique prend son temps :
terminé la précipitation. Changements de rythmes pour faire
chalouper l’auditeur. Depth Affect entre dans le détail
macroscopique, comme sur « Sugar Honey Iced Tea », et cette petite
voix samplée qui nous suit sur quelques pistes de l’album.
La
nouveauté de cet opus, ce sont des titres plus innovants, du Depth
Affect 2.0. Je parle notamment de la puissante et mystérieuse « Oil
Rig Heli Pad », qui plonge dans un bain d’ombre, mais qui
finalement ressemble plus à un interlude savamment orchestrée en
préambule à l’éponyme « Draft Battle », bijou pour les sens
qui se perdent. L’ambiance est nouvelle, singulière pour les
bretons qui ne nous avait pas prévenus : rythmique plus enlevée,
moins d’envolées électroniques, accélération lente pour un beat
électro-lunaire très efficace. C’est un peu crade, les pieds dans
la terre boueuse, beaucoup plus « abstract » dans le style, même
si on regrette la courte durée (3’07) de la piste. On tombe sur la
suivante, « I Guess », qui renoue avec la formule clap-yo-hands et
synthés affolés. « Dämmerung » épouse un registre plus dub,
alors que « Club and Maces » marque elle aussi un retour aux
classiques. « Ten Devils » est l’une des pistes les plus
intéressantes de l’album, légèrement mélancolique, bien
apprêtée. Puis on clôt l’album avec « Rivage Barbare », longue
envolée électronique bien ficelée.
Ce « Draft
Battle » nous apporte donc quelque chose de nouveau. Nos amis
bretons ont bel et bien évolué, et tentent de marquer une sorte de
rupture musicale. Personnellement, j’ai regretté l’absence d’un
ou deux featurings, qui seraient venus renforcer l’album, mais le
groupe souhaitait se retrouver. Depth Affect se veut, sur ce dernier
cru, plus calme, plus mélodique et surtout plus réfléchi. Presque
apaisé. Peut-être légèrement trop puisque même si l’album est
très égal tout du long, on a du mal à discerner une piste plus
haute que l’autre, une musique plus « tubesque » qui pourrait
sortir du lot. « Draft Battle » est malgré tout l’une des plus
grandes réussites de Depth Affect.
Interview
avec David Bideau
Adikt
: Pour résumer, nous en sommes à votre troisième album, avec
quelques EP en prime. Ça commence à faire un bail que vous avez
commencé à jouer ensemble, qu’est ce qui a changé depuis votre
premier « Arche Lymb », tant dans votre musique actuelle que dans
sa conception ?
Depth
Affect : Je pense qu'on ne l'aborde plus de la même manière. On
avait un rapport un peu plus bricolo à nos début, je pense que
désormais on a un rapport un peu plus de musiciens. Pas simplement
de geek derrière un ordi. On empile moins les boucles les unes sur
les autres, les sons, les mélodies évoluent désormais plus dans le
temps. Pour résumer, on pense la composition de manière plus
horizontale. Les mélodies se transforment de manière plus subtile,
et amènent des ambiances variées. Ce que l'on perd peut être en
efficacité, on le gagne en musicalité et en simplicité. Draft
Battle est ainsi moins direct, il a été conçu pour être découvert
au fil des écoutes.
Adikt
: On ne remarque pas vraiment de « rupture » depuis le précédent
Hero Crisis. On reste toujours sur cette lignée électronica-pop,
hippie-hip-hop, avec de nombreux claps, des synthés électroniques
et des beats assez lourds, etc. Votre manière de composer n’a pas
changé avec le temps ?
Depth
Affect : Depuis le début, on évolue sans réelle rupture, tout en
douceur. On ne s'est jamais donnés de contraintes stylistiques pour
réaliser un album. Pas d'album pop, pas d'album électronica, mais
c'est toujours un peu tout ça à la fois. On se donne plus des
règles sur les outils, les éléments que l'on va utiliser. C’est
des petites ruptures qui ne sont pas forcément apparentes de prime
abord. Sur nos 3 albums, nous n'avons jamais réellement travaillé
avec le même matériel et pourtant il y a une certaine continuité.
A chaque foi on essaie de ne pas se répéter, on essaie toujours de
nouvelles choses, on progresse sur des lacunes qu'on avait mais au
final, nos personnalités sont les mêmes, donc on retrouve notre
patte à la fin.
Adikt
: Après l’épisode Hero Crisis justement, avec ses quelques
featurings, je m’attendais surtout à un album ouvert à d’autres
artistes. Mais apparemment non ! Ce sont les occasions qui ont
manqué, ou simplement l’envie de refaire quelque chose entre vous
seulement ?
Depth
Affect : L'absence de featuring est volontaire. On en a eu, mais on a
préféré les mettre sur le précédent EP « Chorea ». C'est une
des petites règles que l'on s'est fixée lorsque que nous avons
commencé à travailler sur « draft battle ». C'est simplement
l'envie de ne pas répéter les mêmes schémas de disque en disque.
Même les morceaux chantés ou les samples de voix ne sont présents
que sur 2/3 chansons. C’est une contrainte qui nous a obligés à
revoir notre façon de composer. Construire un album, c'est comme
composer un morceau. Il faut des contrastes en ce qui concerne les
ambiances, la densité, le tempo, etc. L'apport des voix est un de
ces éléments. Ca devenait peut être un peu trop facile pour nous.
On a du développer de nouvelles « stratégies » pour essayer de
capter l'attention de l'auditeur. En espérant que ce soit réussi.
Mais ce n'est pas pour autant que l'on évacue l'idée de travailler
avec d'autres artistes. Ce genre de collaboration a peut-être plus
sa place sur un format court où on peut plus facilement partir dans
tous les sens sans réel souci de cohérence.
Adikt
: Depuis Arche Lymb vous avez évolué, musicalement et humainement.
Quelles sont vos nouvelles inspirations ? Aspirations ?
Depth
Affect : Depuis nos débuts les musiques que nous écoutons nous font
beaucoup évoluer. Mais il y a aussi beaucoup de découvertes plus «
théoriques », sur du solfège, de la technique, etc., qui nous font
découvrir de nouvelles possibilités. Sur le dernier album, nous
avons tenté de construire des choses plus complexes, qui soient à
l'oreille très simples et naturelles. C'est une bonne ambition il me
semble d'aller encore plus loin dans ce sens, et continuer à
découvrir de nouvelle pistes, sans se répéter. Même si par la
force des choses, ça restera toujours du « Depth Affect ».
Adikt
: Puisque vous ne vous arrêtez jamais, quels sont vos projets en
cours ?
Pas
de projet pour le moment, si ce n'est de continuer à prendre du
plaisir à faire des morceaux. Nos albums naissent tous de cette
manière. On espère aussi pouvoir un peu tourner avec la sortie du
disque.
Adikt
: Un dernier mot ?
Depth
Affect : A noter que nous avons sorti cet été un EP (« Matter
of Tempo »)
en téléchargement libre avec 4 inédits.
Merci
!
Neska