OUESTIME

Interview - Raoul Sinier

 


Raoul Sinier – Cymbal Rush / Strange Teeth & Black Nails + Interview (Oeuvre Records)

Genre : Electronique, Drill, Hip-hop, Musique sale, Autre, Divers

Terrasse d’un café. Je me bastonnais les oreilles sur le dernier World’s End Girlfriend. Une pure tuerie. J’attendais celui que l’on appelle désormais Raoul Sinier. Musicien, artiste numérique, vidéaste, réalisateur et maintenant chanteur, l’homme se fond dans la masse. Crâne dégarni, café, bière, moi qui lui clope à la gueule, la discussion part sur son boulot d’artiste. Puis elle dérive, lentement, vers la musique. Ce « Cymbal Rush » que les Adikt de Raoul attendent avec impatience. Impatient, je l’étais, de pouvoir en savoir plus. Tenir au creux de ma main le secret de ces mecs qui vous font vomir les oreilles de plaisir.

Le prochain EP, prévu initialement pour septembre, est repoussé plus tard (octobre, novembre...). Evidemment, on espère secrètement qu’un EP ne soit que les prémices d’un projet plus complet. « Ouai, l’album va arriver, surement en 2011, mais il n’est pas du tout encore prêt. C’est que le début. Et maintenant, je chante ! C’est assez différent, tu verras. Mais je change un petit peu ». La première bonne nouvelle vient de m’éclater à la gueule. Et mon petit sourire dissimulé passe inaperçu (?).

Mais puisque l’avenir est programmé, j’en reviens aussi sec au présent. Je vide une gorgée d’Orangina. Son café terminé, Raoul choisit une bière brune. Et la discussion part sur Thom Yorke. « En ce moment, je fais plein de reprises. Surtout pour chanter, tenter des choses nouvelles. Et ce label anglais m’a contacté, Oeuvre Records. Tu remarqueras qu’il n’y a pas de « e dans l’o » ! Et en fait, à ce moment là, j’avais rien de précis. Alors on a trouvé des trucs. Par contre, j’avais cette reprise de Thom Yorke. Ca leur a plu, et puis j’ai ressorti quelques morceaux ». Voila donc de quoi est fait ce futur « Cymbal Rush », dont le titre est tiré de « The Eraser ».

Alors on reparle graphisme, et Raoul me lance un de ces trucs que généralement, je ne comprends que quelques années plus tard. « T’as pas remarqué l’analogie avec la pochette de l’album de Thom Yorke ? ». Euh non… dis-je, penaud. Et effectivement, ça te crève les yeux quand t’y pense. « De toute manière, c’est eux qui sont venus me chercher. J’ai fait tout l’artwork. Je leur ai pas vraiment laissé le choix ». Mais au fait, c’est quoi ce label ? « Je suis allé écouter, y’a des trucs bien, d’autres moins bien ».

Et c’est quoi un truc bien (la discussion part en vrille…) ? Pour moi, c’est principalement quand ça m’arrache la gueule. Les musiques qui vous retournent le cerveau. Un peu comme quand on tombe amoureux : boule dans le ventre, crise de foie et sourire niais. Raoul semble approuver. « Moi, je vois toute la musique en noir et blanc, triste ou gai, lent ou rapide, simple ou compliqué… J’aime pas quand c’est pauvre au niveau de la compo. Même si c’est du Autechre, un bon morceau doit avoir une bonne composition ». Je le sais d’avance : il n’aimera pas que j’écrive ça. Parce que ce serait trop vite résumer la substance de son message. C’est l’émotion qui intéresse, pas le contexte. Alors Raoul reprend une bière. Et moi aussi.

« Tu vois, dans le hip-hop, ça tourne souvent avec une boucle sur tout le long du morceau ». Ok Raoul. Mais certaines fois, c’est efficace. « Ouai, c’est vrai aussi… ». De toute manière, je ne pourrais jamais résumer ce que Raoul, et probablement moi, avons voulu dire sur le moment. En tout cas, pas en quelques lignes. Et ton style ? « J’en sais rien. Electronique, un peu hip-hop… ».

J’attaque donc sur l’utilisation des samples. « Ces choses qui peuvent apporter à ta musique, vraiment, y ajouter des notes auxquelles t’aurait jamais pensé ». De toute manière, je voulais en venir autre part. Sur l’évolution. Cet écart de style constaté entre l’imprononçable « Wxfdswxc2 » (qu’il prononce parfaitement) et « Tremens Industry ». « Ca me fait plaisir de pas provoquer la même réaction chez tout le monde. La différence entre les albums, c’est simplement parce que j’avais pas envie de refaire ce que j’ai déjà fait. Même si je reste dans le même type d’émotions. Tu vois à un moment, j’étais trop enfermé dans le trip « Brain Kitchen », ou j’envoyais tout casser. J’ai mis du temps avant d’en sortir ». Et apparemment, la rapidité entre les sorties, c’est pas de sa faute. « Brain Kitchen » est sorti un an après sa finition. « Il y a eu un embouteillage, donc tout est rapidement sorti. Aujourd’hui, je suis revenu sur un débit un peu plus normal. A savoir un album tous les ans, un an et demi… Mais ça ne me gênerait pas de ne rien sortir pendant longtemps. La musique, je la fais quand je la sens. J’attends l’inspiration. Même si de temps en temps, je me force ». Pour le moment, nous, on se délecte. On n’appréhende pas. Et Raoul Sinier fait parti de ces artistes avec qui on évolue.

J’ai eu ce que je voulais : une bière, des clopes, des informations, une rencontre très sympa. Alors je lui laisse le dernier mot : « L’intellectualisation de l’art c’est la panique. Il faut mieux se suicider que de trop théoriser sur l’art. Ce qui n’empêche pas d’en parler longuement ». J’y réfléchis encore… « Mais c’est peut être pas le meilleur mot de la fin ! ».

Liens :
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 Neska