Genre : Hip-hop, Electro,
Un sample de guitare. Anodin. Un beat éclair, savamment pondu. Une basse qui pointe à l’horizon. Des violons et des gouttelettes sonores se mêlent à la partie, puis ce simili-saxo. En boucle. La musique s’étire, vrille, fait des saltos, et le sample se fond gentiment. Une guitare, quelques notes éparses et la mélodie reprend le dessus. On s’éclate, on se demande où on va arriver. C’est « gentiment joli », pas de quoi s’affoler. La guitare reprend ses droits, en boucle, puis le rythme repart de plus belle, la nuque s’abat doucement et en rythme sur ce son qui sent l’été à plein nez (oui, le délire en vacances en bagnole avec tes potes fenêtres ouvertes sur l’autoroute tout-ça-tout-ça). T’as déjà le sourire aux lèvres, grâce au titre éponyme, « Chrysalide », et son sample introuvable. Puis vient « Wetwall », où Woodini se prend à un jeu, presque proche de la techno minimaliste. Cette piste détrempée, aérienne, ses quelques notes de synthés avec tout ce qui l’accompagne, en vrac, est un amas musical assez inexplicable. On rentre bien dans l’ère du minimalisme, sans violence mais tout en finesse, dans la précision chirurgicale du mec qui a bossé les 127 pistes pour son morceau. Ca asphalte sévère, et on se transporte facilement dans une salle londonienne qui sent la sueur avec quelques allumés en train de perler, les yeux fermés sur un dancefloor presque vide. Les aspirations sont nombreuses, je pense à du Depth Affect, au côté syncopé des tracks habituelles et néo-emo des bretons. Pour l’apesanteur, c’est Arandel qui prend le relais, comme sur un « In D » transformé, plus énergique, sans oublier l’aspect mélodique d’un Rone en grande forme, dans ses nouvelles résidences berlinoises. « Green Road », l’ouverture de l’EP, est une introduction… digne d’une introduction. La musique n’est pas exceptionnelle, mais à bien tendre l’oreille, tu te dis facilement que le mec cache quelque chose : c’est ton pote qui te parle d’un joyau mais qui le garde précieusement caché dans ses mains, avec un petit rictus rieur. Alors on cherche à savoir ce qui se cache dans les paumes de ce pseudo-joaillier. Ce qui on y découvre est beau, sans compter que la suite, « Baby Eve », est mise en chanson par la sulfureuse Fanny, qui surnage sur ce titre électronique, stroboscope musical, balade douce enveloppée d’un magique écrin sonore. Là aussi, on sent poindre les différentes influences, d’un Fly Lo’ notamment. Tu gardes en tête cette mélodie, ces mots qui se répètent de nombreuses fois, cette comptine, presque-pop dans son ensemble, finalement. La croisée des chemins, c’est « Purple Lady », un concentré de technique, de minutie dans la rythmique et dans l’utilisation des instruments. C’est cristallin, limpide comme de l’Evian, pétillant comme une St-Yorre. A l’instar du bourreau qui veut t’achever lentement, Woodini conclut son EP sur une « Folygram » qui flanque la pêche et l’envie de continuer. Mais non, tout s’éteint sur ce beat qui ne demande pourtant qu’à décoller. Torture. « Enfoiré », t’as envie de lui balancer à la gueule. Mais le mec est gentil. Il pense à toi, à tes oreilles préparées à la suite qui devrait arriver avant le mois de juin, sur un long format. C’est en tout cas une partie de ce qu’il me raconte dans l’interview ci-dessous. Une terrasse, quelques clopes, des bières et c’est parti.
Interview Adikt : Salut ! Pour commencer, avant de faire du son, tu as fait du rap non ?
Woodini : Ouai, à l’époque où je rappais j’ai fait quelques radios, quelques scènes aussi. J’avais posé sur Touch2Style entre autres, avec Whity, le Twista français !, et Ritual, un anglais. Mais à l’époque, c’était un peu différent. C’était varié sur cette compile, même si moi j’étais plus axé sur les paroles, dans le délire assez conscient. Après j’ai sorti un maxi vinyle qui s’appelle « Mécanisme », en 2002. D’ailleurs en face B, y’avait un morceau un peu « commercial », qui en fait ne l’était pas vraiment. J’ai assumé mais ça a été plus exploité que la face A qui me ressemblait beaucoup plus. Donc on va dire que je suis un ex-beatmaker et aujourd’hui concepteur sonore on va dire. 30 ans maintenant !
Adikt : Donc t’as arrêté rap maintenant, pour te concentrer uniquement sur la prod c’est ça ?
Woodini : Les prods à la base, c’était parce qu’il y avait presque pas de beatmakers à l’époque. Tout le monde bossait sur MPC 2000, et finalement j’en ai acheté une. Donc c’était naturel, j’y ai passé de plus en plus de temps. Mais vraiment beatmaking. Plus tard j’ai découvert la new-soul, le chant, et j’ai compris l’intérêt. Ensuite j’ai aussi appris que les albums d’instrus ont commencé à vraiment intéresser les gens. L’avantage, c’est que tu bosse seul et que tu n’as pas besoin d’attendre tel ou tel artiste, même si j’aime bosser avec des chanteurs ou autres.
Adikt : Et finalement, tu en es arrivé à te pencher sur des prods de Flying Lotus ou Mount Kimbie…
Woodini : A un moment, j’ai commencé à décrocher de tout ce que j’écoutais, surtout au niveau rap, même si je garde une oreille. J’écoute encore, mais je m’y retrouve moins, même si je ne veux pas lâcher ! Au final, l’énergie qui m’a amené à écouter du rap et du hip-hop, l’amout finalement, je le retrouve ailleurs. Notamment sur Flying Lotus ou Mount Kimbie qui me parlent aujourd’hui. Mais y’en a plein d’autres, Jamie XX ou Thundercat. L’Angleterre m’influence beaucoup plus en ce moment.
Adikt : On sent bien que tu tires pas mal de tes « racines » du hip-hop, mais bizarrement on ne retrouve aucun rappeur. Y’a une raison ?
Woodini : Sur 6 titres, je voulais vraiment axer le tout vers la musique instrumentale. J’avais prévu de faire poser un rappeur à la base, un danois que j’ai rencontré sur le Web, mais ça ne s’est pas fait. Pour l’album, si je sens qu’une prod est bien pour un rappeur, je le ferais certainement mais gratuitement…
Adikt : On te sent déjà très carré pour un premier projet. Comment tu bosses tes musiques et comment est né cet EP ?
Woodini : Y’a un peu de toutes les influences, toutes les époques. J’ai retravaillé pas mal de morceaux, Chrysalide notamment. Mais sinon tout a été finalisé en 4 ou 5 mois. Mais il faut savoir que j’ai travaillé des albums de 15 titres avant de tout laisser tomber ! Sinon le concept, c’est que les tracks de l’EP augmentent en BPM. « Green Road » part sur 84 BPM et au fur et à mesure, ça fini sur « Folygram » qui termine à 124 BPM. Tout l’album se suit. J’ai hésité à mettre les BPM des musiques d’ailleurs.
Adikt : Merci !
Neska