Genre
: Hip-hop, Rap
C’est
la première fois, en bientôt quatre ans d’existence de ce blog,
que l’occasion m’est donnée d’écrire quelques lignes sur ce
qui est un des plus grands groupes de hip-hop… japonais. Ouai, vous
savez, l’île avec les tsunamis, les centrales électriques qui se
cassent la gueule et les robots. Ca a son importance. Du rap
japonais, ce n’est donc pas banal, ça peut même effrayer. « Je
vais rien comprendre à ce qu’ils racontent », diront la plupart
avant même d’avoir jeté une oreille. Ce qui pourrait d’ailleurs
facilement nous ramener au sempiternel débat, à savoir qui
l’emporte entre la technicité et l’émotion. No comment. Ce
serait trop long.
Forcément,
il me faut commencer par le commencement. Si Tha Blue Herb (THB)
était un groupe français, on pourrait parler de rap old school. Le
premier opus étant sorti en 1998. Et quel disque : « Stilling Still
Dreaming » est une vraie perle, un bijou avec des instrus
monumentales ultra-classiques pour certaines d’entre elles mais à
l’efficacité terrifiante. Je pense, en écrivant ceci, à la
violente « Stoicizm » (ci-dessous). Je ne comprends rien au
japonais mis à part quelques phrases (merci Naruto, One Piece), mais
comme quand j’avais 14 ans en écoutant du rap américain, je
chante des paroles qui sont certainement fausses, mais qui me
paraissent être très percutantes. C’est la magie des mots… des
émotions. Il faut dire que le MC Ill-Bosstino épaulé par son DJ,
O.N.O., rejoints par DJ Dye, sont les petits protégés d’un
certain DJ Krush. Leur principe ? Ne pas pondre une simple copie du
rap américain qui les a bercés. Un peu comme nous, en France,
finalement.
On
ne s’arrête pas en si bon chemin, même si après ce tellement
réussi, original et jouissif premier opus, on aurait pu craindre le
pire : un deuxième essai raté. En un sens, le second « Sell
Our Soul »
est raté, si les trois protagonistes avaient souhaité égaler leur
premier travail. Car ce deuxième album est une nouvelle perle, d’une
originalité trop peu souvent relevée dans les colonnes des blogs
spécialisés en hip-hop. Cette galette décape. Chaque morceau est
une trouvaille inédite, un spécimen en son genre. Chaque mot,
chaque note de synthé, chaque rythmique te percute en plein dans le
bide. Et même quand Ill-Bosstino te susurre quelques mots en guise
de prélude, tu le prends comme une mise en garde. Un avertissement :
l’auditeur va en prendre pour son grade. Vous êtes
prévenus.
Forcément,
cette idylle n’a pas pu durer éternellement. En sortant, en 2007,
« Life
Story »,
TBH a réédité la recette, repris la même formule. Ce n’est pas
forcément un reproche, mais disons que l’auditeur était moins
surpris à l’écoute de cet album. Un brin moins perdu, moins
étonné, moins conquis aussi peut-être. Ce n’est que mon humble
avis, qui me semble aussi être assez partagé tout de même.
Impossible toutefois de passer outre cet album, qui recèle lui aussi
des trésors, dans un registre plus orienté électronica que
purement hip-hop.
Comme
souvent, TBH parle de la ville, de la pluie, de la nuit. Ils parlent
de Sapporo, sur l’île de Hokkaidō, et non pas de Tokyo. Les
ambiances sont généralement assez sombres, et c’est donc ici
l’émotion qui m’étreint à chaque écoute. THB est d’ailleurs
un bon point de départ pour qui souhaite s’aventurer dans le
hip-hop japonais. On ne peut rêver mieux. Car ce groupe, c’est
aussi une masse conséquente de side-projects dont Herbest Moon, pour
moi, en tête de liste. Sans oublier quelques maxis balancés par
THB, que je n’ai pas tous écouté, mais dont « Phase 3 » est un
incontournable.
Le
mieux pour comprendre et appréhender, c’est peut-être de regarder
le teaser (ci-dessous) de ce prochain « Still Raining, Still Winning
». Une vidéo courte, une minute, de la pluie, une ambiance, un
parapluie et des voitures. Une MPC, des machines, la neige et
l’orage. Un homme. Le tonnerre. Tout est dit, rien n’est
dit.
Tha
Blue Herb pourrait être la face cachée du hip-hop japonais, comme
Psykick Lyrikah est celle du rap français. Une comparaison qui tient
tant pour la géographie, pour la musique, le flair et l’originalité.
Pour la manière de se démarquer avec brio. Tha Blue Herb est une
merveille. Incompréhensible, voire presque inaccessible, certes,
mais tellement poignante. Le temps sera long jusqu’à 14 mars, si
vous êtes au Japon, et encore plus jusqu’au 30 mars, si vous êtes
en France. Des informations à prendre avec des pincettes puisque je
ne sais pas vraiment si ces dates correspondent à la sortie d’un
single ou de l’album.
Neska