Interview - ROCé

 


Quand j’ai appris que Rocé sortait un nouvel album, je suis allé fouiner pour me choper une interview avec cet artiste singulier. Rendez-vous est pris. Je charge mon dictaphone et je file à la rencontre d’un grand monsieur du rap français. Ca me fait d’autant plus plaisir que j’avais, à l’époque, littéralement fumé le premier essai, « Top Départ ». Dans un autre style, beaucoup plus ‘free jazz’, avec de belles collaborations comme celle d’Archie Shepp notamment, le MC avait balancé un légèrement ‘expérimental’ « Identité en Crescendo ». Encore une fois, Rocé avait fait l’unanimité, grâce à des textes peaufinés d’une intelligence vive, d’un talent indéniable et d’une conscience qui manque souvent au rap français. Je voulais donc en savoir plus sur le prochain album, après avoir déjà mis en boucle de nombreuses fois les deux premiers morceaux disponibles (en vidéo en bas de l’article). C’est donc ce que je suis allé voir de plus près en quelques minutes avec ce revendicateur de premier ordre.

 

Interview.

Adikt : Salut Rocé. D’après les deux premiers titres disponibles, ce prochain album semble être plus proche de « Top Départ » que d’ « Identité en Crescendo ». En somme, un peu plus rap français classique.
Rocé : Effectivement, c’est le cas. J’ai écris des textes qui s’échappent un peu plus de la réalité. Je suis un peu plus parti dans un délire. Je n’appellerai pas ça de la poésie, mais on s’éloigne un peu de l’actualité. Le contenu reste quand même assez revendicatif, mais avec un peu plus de distance. « Les questions dérangent vos clichés, dérangent vos croquis / Dans le jeu social poser le doute est mal poli / Je me risque à dire se questionner c’est désobéir / C’est faire rentrer le doute comme un virus dans vos délires »

Adikt : Tu nous fais une belle chanson sur le doute avec ‘Des questions à vos réponses’. Ca semble assez large et d’actualité pourtant.
Rocé : En fait le but c’est vraiment de parler de choses qui sont - je place la barre assez haute ! - relativement universelles. Donc forcément, on y retrouve l’actualité. C’est vraiment un morceau sur le doute actuel, mais j’espère qu’on pourra aussi y retrouver l’actualité, d’une autre manière, dans 10 ans. Tant qu’il y aura des êtres humains, on pourra parler de doute.

Adikt : As-tu écrit les textes seuls, ou à 2 comme sur « Identité en Crescendo » ? Qui a fait les productions ?
Rocé : J’ai écrit les textes tout seul pour cet album. Il n’y aura d’ailleurs qu’un featuring, ce sera avec Hayet, qui a composé un morceau sur l’album et pose sa voix sur une musique. J’ai fait moi-même le reste des productions. Et ça fait environ 2 ans que je bosse sur l’album. « Je ne suis pas dans vos arnaques parce qu’il y a une différence / entre un guerrier qui se tape et des petits cons en manque de sens / alors ça joue les caïras le prenez pas pour une insulte / mais je suis un des seuls trentenaire à rapper comme un adulte »

Adikt : Quelle est la ligne directrice de l’album ?
Rocé : Le but, c’est de voyager à travers cet album. Avec moi, ma personne, mes revendications, mais sans radoter. On peut aussi parler de choses sous différentes formes, différents aspects. Je considère surtout la culture comme une posture, un combat. Je voulais aussi faire des choses assez innovantes. Le but, ca reste de faire de l’art, de la musique, et de se taper des délires ! En fait la ligne directrice c’est moi. Moi avec toute ma colère.

Adikt : Comment s’est passé la signature chez Big Cheese Records ?
Rocé : En fait je connais les gens de chez Big Cheese depuis longtemps. Donc ça c’est fait très naturellement. Et puis on travaillait déjà ensemble quand j’étais chez No Format.

Adikt : Pourquoi ce titre, « L’être humain et le réverbère » ?
Rocé : C’est une critique du non-déplacement de l’être humain. Nous sommes à une époque dans laquelle il est très simple de voyager dans tous les pays du monde. Ce que certains font d’ailleurs. Mais on peut aussi le faire via les réseaux grâce à Internet. Mais dans sa manière de penser, dans sa matrice, l’être humain ne s’adapte pas, n’évolue pas. Il reste figé avec ses préjugés et il a beau partir ailleurs, quand il revient il comprend cet ailleurs avec sa propre matrice de pensée. Je voulais souligner que l’être humain a un très faible potentiel d’adaptation.

Adikt : Pour tes précédents albums, tu avais fait appel à Satur, puis à JayOne pour réaliser la pochette. Cette fois-ci, c’est une photo…
Rocé : C’est vrai que pour les précédents albums, j’avais une ligne directrice qui était le graffiti sur mes pochettes. Mais ça faisait longtemps qu’on me posait la question ‘pourquoi on ne voit pas ta tête sur les pochettes de disque ?’. J’en ai parlé à Jean-Baptiste Mondino, et il a trouvé ça intéressant. Il l’a pris comme un challenge et m’a dit : on va tellement te voir que ce sera comme si on ne te voyait pas ! Et le concept m’a plu…

Adikt : Merci !